J'ai eu l'immense chance de voir une des dernières représentations d'UNE VIE ALLEMANDE de Christopher Hampton, au Théâtre de Poche-Montparnasse, avec Judith Magre seule en scène dans une mise en scène de Thierry Harcourt.
Ce long monologue s'inspire des souvenirs authentiques de Brunhilde Pomsel, secrétaire au ministère de la Propagande sous Joseph Goebbels pendant le troisième Reich. Elle avait accepté de raconter sa vie, à 102 ans, dans le cadre d'un documentaire pour la télévision autrichienne, dont l'auteur s'est ensuite inspiré.
Elle nous décrit sa vie de femme ordinaire, désireuse de vivre, mais respectueuse de l'autorité, et se disant peu au fait de ce qui se passait vraiment. Elle dit : "Je ne savais rien de ce qui se passait. Ou très peu. Rien de plus que la plupart des gens. Vous ne pouvez pas me faire sentir coupable. [..] On était coupable de bêtise, ça je vous l'accorde." Et elle poursuit un peu plus loin : "Ce qu'il y a surtout, c'est que les gens s'en fichent. Ils regardent toutes les horreurs [..], et puis ils éteignent la télé et ils sortent dîner. Remarquer, de nos jours, je ne crois pas que les gens seraient assez bêtes pour gober le genre d'âneries que nous avons gobées. Tout ce baratin, je ne pense pas qu'on puisse encore faire avaler ça aux gens."
Judith Magre, jeune femme de 96 ans, incarne avec une grande justesse cette femme ambigüe, se souvenant quand elle le veut bien et oubliant quand cela l'arrange. Une très grande actrice, qui semble véritablement se nourrir des applaudissements et des ovations qui saluent sa performance.
La pièce joue tous les lundi jusqu'au 1er mai 2023.
Le texte de la pièce est disponible à L'Avant-Scène Théâtre, Collection des Quatre-Vents - MCR, dans une traduction de Dominique Hollier.