J'ai vu hier soir à la Comédie de Picardie à Amiens LES PRESIDENTES de Werner Schwab. Traduction de Mike Sens et Michael Bugdahn et mise en scène de Laurent Fréchuret. Avec Mireille Herbstmeyer, Flore Lefebvre des Noëttes et Laurence Vielle.
Cette pièce absolument délirante repose entièrement sur le langage, qui est, dans la première partie, terne et compassé, le reflet de la vraie vie de ces trois femmes aigries par une vie de frustration et de désenchantement. Dans la deuxième partie de la pièce, lors d'une fête imaginaire, chacune libère ses fantasmes, de respectabilité bourgeoise pour la première, Erna, de sensualité débridée pour la seconde, Grete, et de rédemption scatologique (et non pas eschatologique) pour la troisième, l'innocente petite Marie. Le délire verbal les entraine à tous les excès, y compris physiques, puisque la pièce finit par le meurtre et la décapitation de la petite Marie, coupable d'avoir sabordé les rêves de deux autres.
Werner Schwab, mort à 35 ans d'une overdose d'alcool, conspue dans LES PRESIDENTES, sa pièce la plus connue, la petite bourgeoisie bien-pensante de son Autriche natale. Le texte est brut, volontairement ordurier et sans tabous. Mais il ne suffirait pas à faire de ce spectacle un succès. C'est le jeu des comédiennes qui remporte la mise. Je connaissais Mireille Herbstmeyer pour ses collaborations avec Olivier Py dans LE SOULIER DE SATIN de Claudel et le cycle Sophocle. Elle incarne ici une Erna glaçante jusqu'au bout. Flore Lefebvre des Noëttes est une Grete sauvage avide de sensations. Quant à Laurence Vielle, comédienne que j'ai découverte ce soir, elle transporte le public entre rire et nausée, chaque fois qu'elle raconte, avec des variations sans cesse renouvelées, ses opérations successives de débouchage manuel des toilettes, sans gants et en public. Exceptionnel !
Le spectacle est à voir les 30 et 31 mars à la Comédie de Picardie à Amiens et les 4, 5, 6 et 7 avril au Théâtre de l'Elysée à Lyon.