Vu la semaine dernière au théâtre de l'Odéon à Paris une splendide Andromaque de Racine, mis en scène par Stéphane Braunschweig. De nombreux articles de journaux ont déjà fait l'éloge de cette production, à juste titre.
J'avais toujours considéré Andromaque comme très inférieure à d'autres pièces de Racine comme Britannicus, Iphigénie ou Phèdre par exemple, avec cette chaine d'amours insatisfaits qui ressemblerait presque à du Labiche : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector, qui est mort."
Mais ici, au-delà des passions amoureuses individuelles et égoïstes, c'est bien du traumatisme collectif de la guerre dont il est question, cette guerre de Troie qui a marqué chaque protagoniste dans la chair de ses parents et dont les effets impactent la génération suivante :
- Oreste est le fils du chef des Grecs, Agamemnon,
- Pyrrhus est le fils du plus grand héros grec, Achille
- et Hermione est la fille d'Hélène, dont l'enlèvement a déclenché le conflit.
Andromaque, la veuve d'Hector, tué en combat singulier par Achille, est la seule qui, au-delà de son deuil, ait une raison de vivre : son fils Astyanax. Elle mettra tout en oeuvre pour assurer sa survie, y compris le sacrifice maternel. Finalement, c'est la seule qui survivra...
La mise en scène est passionnante, notamment l'immense flaque de sang centrale dans laquelle pataugent les personnages pendant toute la pièce. Mais ce qui m'a le plus frappé, ce sont les deux scènes muettes que Braunschweig a rajouté, la première à la fin du IVe acte, où Oreste, Hermione et Pyrrhus se retrouvent, muets, autour du cercle de sang, avant l'affrontement final et fatal. La seconde à la fin du Ve acte, quand Andromaque entre sur scène, face au public, seule survivante, portant dans ses bras son fils, lui aussi sain et sauf. Très belle image.